Mitreya

(lire l'album)

L'histoire de l'histoire

Cette histoire, ou plutôt l'histoire de cet album, l'histoire de cette histoire est fabuleuse. Parce qu'elle m'a bouleversé; bouleversé l'idée que je me faisais des religions et du dieu que l'école m'avait inculqué. Quand Holger Kersten m'a contacté, en 2006, je ne comprenais rien, absolument rien à ce que ce type un peu bizarre me voulait. Il avait une histoire, des recherches, des révélations à faire.

La première rencontre fut déconcertante: je ne savais pas si j'avais à faire à un fou ou à un génie. Il attaquait l'histoire sous tous les angles à la fois: religion, légendes, croyances, archéologie. Il a fallu que je le coince, un jour, après d'autres rencontres, pour le forcer à mettre de l'ordre dans son récit: l'ordre chronologique me semblait le plus simple. Alors tout se mit à être plus clair et je me rendis compte que Holger était sérieux, pas fanatique, pas dangereux et que sa soif de bouleverser les choses établies était sans bornes. Il avait un talent incroyable pour dénicher les indices et les images qui corroborent sa théorie. Une nouvelle histoire sainte, un nouveaux testament, pour ainsi dire. Mais attention: avec des témoignages du passé et du bon sens, à tout prendre, bien plus passionnant que les catéchèses de mon enfances. 

Durant deux ans, j'ai travaillé avec Holger, rechercher davantage de témoignages, de reportages, de textes apocryphes, d'images étranges. Le problème: nous n'étions pas scénariste, ni lui, ni moi. Sa déclaration initiale: "J'ai une histoire à mettre en BD, je cherche un dessinateur!" était fausse. Il croyait honnêtement avoir une histoire, mais il n'avait qu'un fabuleux fond de recherches, d'idées, d'élucubrations, d'intuitions, de doutes... mais pas un gramme de fiction, aucun suspens, pas d'intrigue. Rien. Quel désespoir! Nous en avons souvent longuement parlé et il a finis par comprendre ce que je redoutais depuis le début: il n'avait l'ombre du commencement d'une histoire. Pas de personnages, à part ces monuments de marbres et de plâtre que sont les dieux antiques et modernes. Pas de crimes, pas d'amour, pas d'humour. Il pensait qu'une anecdote amusante, ou une question sans réponse, entre deux informations déroutantes suffisent à faire une tension fictive. Nous nous sommes chamaillés souvent, chacun se sentant mal compris par l'autre. Je dois avouer que souvent je mettais longtemps à comprendre qu'il m'expliquait le contraire de ce que je croyais saisir et me révoltait, malgré mon ouverture d'esprit, devant les aberrations que je croyais comprendre au fil de ses explications.

La suite m'a donné raison: nous n'avons pas trouvé d'éditeur pour l'album qui résultat de notre collaboration, et que je vous montre aujourd'hui. L'histoire n'a pas de sens; il y manque le principal : on ne se sent pas pris avec le jeune Max, ni fasciné par Holger. Le vrai Holger est bien plus intéressant parce que plein d'incohérences. Holger, le personnage, omniscient nous montre tout sans nous laisser chercher, au risque de nous ennuyer. Et le doute n'a pas de place dans notre histoire. J'aurais vraiment aimé réussir à mettre toutes ces infos en valeurs. Mais je ne savais pas comment m'y prendre. C'était trop et Holger m'empêchait, en me faisant loucher sur des vérités, de prendre du recul, pour savoir au moins par où commencer.

L'album est ici intégral. Il est libre à lire. J'aimerais que les amateurs de l'image soient nombreux et que l'histoire donne envie à certain d'aller chercher des références autour du Nemrud Dagh ou de Comagène. Tant mieux alors. Pour le reste et enfin croyez-moi: il ne s'agit pas ici d'une nouvelle secte ou d'une nouvelle religion. Ne serait-ce que celle du bon sens.